Je pensais que me retrouver catapultée dans ce monde étrange allait être l'évènement le plus inattendu de mon année... j'avais tort. Je détestais avoir tort, j'avais tellement l'habitude de tout savoir le plus rapidement possible que la révélation que ma meilleure amie est également ma meilleure... je ne sais quoi -mais moins cool- était tout simplement désolant. Je ne pouvais pas blâmer mon arrivée ici, mon manque d'instinct: Kara et moi nous connaissions depuis bien longtemps "là bas" et pourtant je n'avais jamais rien remarqué. Ou compris. Même si, maintenant que le voile était levé, je remarquais des menus détails qui ne m'avaient jamais frappés auparavant. La cicatrice de Supergirl exactement au même endroit que celui de Kara, la façon qu'avaient ses pommettes de se façonner lorsqu'elle était heureuse, l'étincelle dans son regard quand elle s'adressait à moi.

C'était si évident. J'étais véritablement la dernière des idiotes, à moins que je n'aie délibérément choisi de ne rien remarquer. Je n'étais plus sûre de rien, si ce n'est le serrement au coeur qui refusait de me laisser depuis que je m'étais occupée de Superg... de Kara après son crash en ville. Il y avait eu cet instant de panique, bien sûr, quand rien n'a plus été, quand j'ai retrouvé cette chevelure blonde que j'avais cherché dans toutes les foules, noyée dans un nuage de débris et de fumées. Kara était là, mais dans l'uniforme de l'héroïne, et tout est soudain devenu tellement plus clair.

Je n'étais qu'une imbécile.

Prendre soin de Kara n'avait pas été difficile, ce n'était pas la première fois que je m'occupais de la Kryptonienne, même si elle semblait souffrir du même mal qui affectait tout le monde en ville et paraissait tellement plus humaine. Plus accessible. Plus innocente, alors qu'elle n'en était rien. L'élan d'inquiétude qui s'est emparé de moi alors que je mettais mes sentiments de côté pour ne m'occuper que de ma patiente a, avec le temps qui s'est écoulé depuis, mu en une morsure amertume alors que je n'avais pas traîné à la confier à Alex. J'avais besoin de réfléchir. J'avais besoin de fuir.

Mais fuir où? La ville entière était une anomalie dont il était impossible de s'échapper. Rentrer chez moi? L-Corp n'existe pas ici, le penthouse que je louais en centre-ville ne valait certainement pas d'être appelé "chez moi". Mais même dans ce lieu sûr, je n'étais pas certaine de vouloir me réfugier. Il y avait trop de fenêtre, un balcon du haut duquel j'avais espéré retrouver l'héroïne pour qu'à son tour elle m'aide à retrouver Kara, et m'assurer que la reporter aille bien. Si j'avais su..

Il me fallait un verre. Serré. Peut-être une bouteille ou deux. Mon appartement était hors de question, la seule autre option restait le bar de l'hôtel, puisque je n'étais pas stupide assez pour dire d'aller traîner dans des lieux moins fréquentables. Le serveur me reconnaît, je lui fais signe de ne pas arrêter de me servir, et il s'exécute en silence. J'ai quelques verres (bu cul sec) en moi lorsqu'une voix m'interpelle, presque timidement. Ou au moins, non sans nervosité.

Je loue le penthouse de l'hôtel, mais je ne peux pas vraiment dire que je passe mon temps au bar, non.. Juste... Ma..., ma quoi? Je me le demandais bien, Je viens d'apprendre que ma meilleure amie et la femme qui m'agace le plus au monde sont la seule et même personne, après qu'elle m'ait laissé imaginer la double identité pendant des années. J'ignore si ça compte comme une "grosse journée", mais je ne sais pas trop comment je dois le prendre. Tout était tellement plus simple avant d'arriver ici... enfin je le croyais du moins. Lena Luthor, enchantée.

J'étudie la jeune femme du regard pendant un instant, avant de placer mon verre de côté et lui tendre la main en observant sa réaction lorsque je me présente. Souvent, c'est l'indicateur principal de si une personne me connaît ou non dans son monde, et ça me permet ainsi de savoir comment réagir. Si je dois être prudente au risque de converser avec une personne blessée par mon frère ou si au contraire je pouvais être plus libre de mes dires.

Seigneur, comme je désirais la seconde option..